Didier Petit, ou la fièvre de la 4L
Voici sûrement le plus grand collectionneur de 4L de la planète. Pour vous en convaincre, lisez cet article tiré d’un hebdomadaire local :
Un chiffre et une lettre, voilà en deux mots et en résumé l’univers de Didier Petit. Ce mécanicien automobile voue un véritable culte à tout ce qui, de près ou de loin, touche à la Renault 4.
Qui n’a pas un souvenir rattaché à la 4L ? Première grande voiture populaire, voiture de papa, voiture des copains, voiture du boulot. Pendant plus de trente ans, il en sera fabriqué plus de 8 millions ! Un record.
Mais aujourd’hui, alors que les voitures les plus sophistiquées circulent, qui rêve encore de posséder une 4L ? Personne ? Détrompez-vous…
L’invention géniale, sortie le 4 août 1961 des usines Renault, à l’époque dirigées par Pierre Dreyfus, continue de faire rêver Didier Petit. La 4 L constitue pour lui une véritable drogue. « Un amour fou, il a la rage de la 4L », ajoute en riant, son épouse Thérèse. Une drogue qui conditionne ses loisirs, ceux de son épouse, de son père Armand, de ses trois enfants : Vincent, Nathalie et Christine. Elle ampute sa trésorerie, l’entraîne dans les coins les plus reculés de France. Touché qu’il est par cette étrange fièvre de la 4 L, par ce syndrome du losange, son désir de possession l’emmène toujours plus loin.
Tout a commencé, il y a une vingtaine d’années, lorsque Didier et Thérèse, décident de fonder une famille. Jusqu’alors adeptes de la moto, ils se sont mis en quête d’une voiture adaptée à leurs possibilités financières. Pour le mécanicien automobile, seules la 2 CV Citroën et la 4L revêtaient un intérêt à ses yeux, avec toutefois une préférence pour la 4L dans laquelle « on est moins ballotté ».
« Ce sont les deux seules voitures qui se démontent entièrement, aucune pièce de carrosserie n’est soudée, tout est boulonné », confie le mécano. Il vante alors les mérites de celle qu’il admire pour sa simplicité. « Elle est constituée d’un châssis plate-forme sur lequel vient se greffer la mécanique et les suspensions en dessous, et la carrosserie au-dessus. Simplicité également de la mécanique qui se révèle très accessible. » Et d’ajouter, « c’est également la seule voiture qui permet d’avoir accès à la roue de secours placée dans le coffre sans avoir à le vider ! »
Pour le mécanicien de chez Renault, aucune autre voiture ne mérite une telle admiration et certainement pas les plus sophistiquées et les plus luxueuses qui font rêver et grèvent le budget de tant d’automobilistes aujourd’hui.
« Vingt ans après être remisée, je peux vous faire tourner une 4L, vous pourrez toujours essayer avec les voitures d’aujourd’hui bourrées d’électronique. Les premières 4L n’ont pas de fusible, consomment 5 L au 100 km et le moteur développe 4.500 tr/mn au maximum, alors que les voitures actuelles en développent 2.000 de plus. Pourquoi faire ? Pour rouler à 90 km/h ! «
Sa première voiture, Didier s’en souvient, c’était une 4L d’occasion, bordeaux, une 3 CV de 1967, et il l’a toujours. Le coup foudre a été immédiat pour ce véhicule toujours prêt à rendre service, à la mécanique peu compliquée.
La maladie a aussitôt gagné du terrain, le couple s’est offert une seconde voiture. Dès lors, l’heureux propriétaire de la 4L a ressenti un besoin de s’équiper avant que la voiture la plus fiable, la moins onéreuse et la plus économique, ne disparaisse.
Des centaines de 4L dans la cour
Didier s’est mis à rechercher des 4L d’occasion. Une dizaine, une vingtaine, une centaine, deux cents et aujourd’hui plus de trois cents.
Le losange a tout envahi. A tel point que la famille vit aujourd’hui entourée de 4L. Il y celles qui sont stockées, pour récupérer les pièces, celles qui sont capables de rouler et celles qui bénéficient d’un traitement particulier et que le collectionneur protège dans un lieu tenu secret.
Didier Petit vit, dort, pense, et bien sûr rêve de 4L. Toute la famille aussi, elle côtoie plus de 300 véhicules qui composent la collection. Les kilos de documents et de bouquins, mais aussi une centaine de 4L miniatures… font partie de l’univers un peu fou pour les profanes que nous sommes. « Je ne bois jamais d’alcool, je n’ai jamais fumé, nous ne sortons jamais et ne partons jamais en vacances. Les filles vont partir pour la première fois en Espagne avec le collège. Nos vacances et les week-ends nous les occupons autour des voitures, souvent à démonter les pièces sur des voitures immobilisées pour les remonter sur celles qui peuvent rouler, » confie-t-il.
Thérèse ajoute qu’elle aime passer son temps libre à démonter des voitures. « Je me consacre à l’habitacle dont chacune des pièces n’a plus aucun secret pour moi. » Vincent, le fils de la maison âgé de 16 ans, apprenti menuisier, voue la même passion que son père à la 4L. Il est incollable sur le sujet. Il feuillette les magazines à la recherche de la voiture convoitée. « La dernière c’est lui qui l’a trouvée » indique son père.
Vincent apprend à conduire, en conduite accompagnée sur une Clio avec le moniteur, mais avec ses parents : sur une 4L. « Il a la sienne », indique son père qui ajoute, « il est capable de démonter une 4L et de la remonter entièrement ». Vincent avoue qu’il aime la 4L pour les mêmes raisons que son père.
Lorsqu’on pose la question à Nathalie, 15 ans, elle est aussi enthousiaste. Quant à Christine, une année plus jeune, elle est plus nuancée, « oui, ça va, j’aime assez bien ».
« Le père, (Armand), le fils, (Didier) et le petit-fils, (Vincent), les trois générations roulent en 4L » souligne fièrement Didier. « Et si les filles veulent leur 4L, plus tard, il n’y a pas de problème ».
Les modèles, des plus anciens aux plus récents
Presque tous les modèles de série sont en possession de Didier. Il connaît toutes ses voitures, l’année de leur sortie, leurs particularités, quand, où et à qui, il les a achetées. Il est incollable sur le sujet, il a des anecdotes à raconter sur chacune d’elles. « Il n’a pas besoin de noter, il a tout dans la tête », souligne son épouse.
Il lui reste encore à acquérir plusieurs modèles spéciaux même si modestement, il avoue qu’il ne les possédera jamais tous car sur une période aussi longue, plus de 30 ans, il est difficile, voire impossible de posséder toutes les versions et toutes les caractéristiques de toutes les 4L produites. Puis certaines sont au-dessus de ses moyens comme les 4L « Jogging » ou « Plein Air » construites en faible nombre et dont les cotes sont très élevées. Le côté pratique reprend vite le dessus : « chez nous, il pleut toujours alors faire l’acquisition d’une voiture plein air, c’est un peu ridicule », souligne le collectionneur.
Sa plus grande fierté est sans aucun doute sa 4L 3 CV de 1962, l’une des premières équipée de pare-chocs doubles, tubulaires et chromés. Elle se distingue par son hayon arrière qui s’articule vers le bas et dont la vitre se glisse à l’intérieur. Il possède aussi la 4L dotée de glaces Custode (les petites vitres placées sur les ailes arrière qui s’ouvrent.) dont la première date de 1963. La 4L « Sixties » construite en 1985 à 2.200 exemplaires et dotée de 2 toits ouvrants, « c’était la production de l’usine Renault d’une journée », informe le collectionneur, fier de la posséder. La 4L 3CV avec uniquement deux sièges à l’avant et quatre portes mais dont seules deux s’ouvrent. Elle était réservée aux administrations et aux propriétaires de flottes recherchant avant tout des voitures maniables mais surtout économiques. D’ailleurs, elle n’eut pas beaucoup de succès puisqu’il ne s’en fabriqua que 2.526. Elle est en bonne place sur le parc du collectionneur. Tout comme « La Parisienne » au décor de cannage sur les bas de portes et le hayon arrière, la fameuse voiture de Sheila, qu’elle a paraît-il conservée.
Un amour de voiture
Celles qui ont la cote aux yeux du collectionneur restent celles de la première génération. « Jusqu’en 1972, la tôle était plus épaisse et elle ne rouillait pas » souligne-t-il en désignant les dernières, réduites en tas de ferrailles qu’il conserve uniquement pour les pièces mécaniques.
Le mécanicien n’hésite pas à parcourir des centaines de kilomètres pendant le week-end pour faire une acquisition. Et pour ce faire, il à mis au point un système qui lui permet de tracter sa nouvelle acquisition sans chauffeur. Ce moyen est réservé pour les distances jusqu’à 500 kilomètres. Au-delà, il fait appel à l’artisan menuisier eudois « Dron » qui lui met aimablement à disposition, un camion. Didier Petit, modeste et discret, ne souhaite pas exhiber ses belles dames sur les routes de France, il ne fait donc partie d’aucun club. Il veut encore moins en faire un commerce. Sa passion est uniquement animée par l’amour de la 4L qu’il partage en famille.
A titre exceptionnel, il a accepté de nous ouvrir ses portes et d’exposer une vingtaine de voitures sur le parking d’une entreprise.
Derrière les hauts murs de sa demeure située dans la région eudoise, il veille jalousement sur son précieux trésor qu’il veut toujours plus riche, même si cette bonne vieille 4L a définitivement disparu du catalogue Renault en décembre 1992.